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Nommé en novembre dernier à la tête de la sélection mauritanienne, le technicien français n’avait jamais dirigé une équipe nationale en dix ans passés sur le continent africain. Il s’apprête à découvrir la CAN, après avoir disputé la Coupe arabe des Nations au Qatar. Et il n’envisage rien d’autre que de franchir le 1er tour avec son groupe.
« Didier Gomes Da Rosa, nous sommes à quelques jours du coup d’envoi de la CAN au Cameroun. Votre première compétition à la tête d’une équipe nationale. Quel est votre sentiment ? C’était sans doute le bon moment pour moi, après avoir accumulé les expériences en clubs depuis une dizaine d’années. C’était aussi l’un de mes rêves. Dix ans après avoir débuté en Afrique au Rwanda, cela a quelque chose de magique ! Je crois que cela valorise aussi mon parcours. Je suis fier de représenter la Mauritanie, un pays et une sélection qui me correspondent bien. Il y a ici une marge de progression considérable. On va commencer à renouveler l’équipe progressivement, avec intelligence, d’où la présence du jeune Beyatt Lekhoueiry (16 ans).
Vous succédez à Corentin Martins, votre compatriote, qui a vécu un long et fructueux passage chez les Mourabitounes (2014-2021). C’est l’occasion bien évidemment pour mettre en avant le travail de Corentin (Martins), qui a réussi de bons résultats avec deux qualifications à la CAN et une au CHAN sans oublier à la Coupe arabe des Nations durant cette période. Il a fondé les bases du football mauritanien, un football qui progresse et qui a un joli futur devant lui. Je bénéficie de ces jolies fondations.
Le métier d’entraîneur diffère de celui de sélectionneur… Absolument, le boulot du sélectionneur est plus axé sur la programmation, l’organisation. Je suis là pour imprimer dans la tête des joueurs ce que j’attends d’eux, sur une courte période. Après la CAN, on travaillera aussi à la création du groupe pour jouer la qualification pour le prochain CHAN. Ca signifie de prospecter dans notre championnat national. C’est comme ça que j’ai récupéré le jeune Beyatt, à l’issue d’un match de D1 avec la Douane.
Vous êtes arrivé à la tête de la sélection après la fin des éliminatoires de la CDM 2022, à un moment où les résultats n’étaient plus au rendez-vous… L’équipe était semble-t-il engagée dans une dynamique négative comme toute sélection est appelée à en connaître une. 2021 de ce point de vue aura été une année très compliquée pour les joueurs qui ont eu joué. La crise liée au Covid a été un frein pour ce football après six superbes années. La FFRIM a ressenti la nécessité de donner un nouvel élan à la sélection, pour la faire rebondir. Il y a eu l’intermède avec le DTN Gérard Buscher pour boucler les éliminatoires. La FFRIM a ensuite choici un profil, le mien, pour redonner cet élan.
Quelle était l’urgence ? Il fallait redynamiser ce groupe en le modifiant, d’où la présence de beaucoup de nouveaux aujourd’hui. Certains nous ont quitté, d’autres sont arrivés pour la Coupe arabe des Nations. Au Qatar, après notre défaite initiale contre la Tunisie, on a réussi une belle performance contre les Emirats qui nous ont battus dans le temps additionnel (1-0). Ca a donné une bonne impulsion. Trois jours après, on a dominé la Syrie (1-0) après un match héroïque. Cette compétition nous a permis d’identifier ceux qui étaient en capacité de participer la CAN. J’en ai retenu 12 sur les 28.
Après la Coupe Arabe, vous étiez en mission en France et en Europe. Pourquoi ? J’avais identifié un certain nombre de joueurs pour nous rejoindre, six ou sept. 3 ont accepté Doukara, Ibnou Ba et Karamoko. Les autres m’ont expliqué qu’ils voulaient d’abord s’imposer en club. Les trois cités font partie du groupe pour la CAN.
Quel est l’objectif de la Mauritanie pour cette deuxième participation après 2019 ? Faire une belle CAN pour nous, cela signifie aller plus haut et plus loin que lors de la dernière fois. Cela veut dire franchir le 1er tour. Il faut quatre points pour finir parmi les meilleurs troisièmes. Le groupe est difficile mais je nous crois capable de tirer notre épingle du jeu. On a trouvé beaucoup de cohésion lors de notre préparation, des nouvelles complémentarités aussi. Le travail aux Emirats va totalement dans ce sens-là. On est capables d’être une jolie surprise. La Mauritanie veut marquer l’histoire. Les matches de préparation nous offrent un peu plus de certitudes.
Justement, à la différence de la plupart des sélections appelées à se préparer, vous n’avez pas eu de souci lors du stage aux Emirats, bouclé avec deux matches (0-0 contre le Burkina Faso, 1-1 contre le Gabon)… C’est vrai, on a été chanceux et plutôt épargnés de ce côté-là. Quand on sait les difficultés rencontrées par d’autres, on est passé entre les gouttes. Cela a été une prépa normale et sans difficultés à Abou Dhabi.
La Coupe Arabe vous a permis, vous le disiez, d’identifier certains joueurs. Mais pas seulement… Oui, j’ai par exemple repositionné Della Yaly un milieu défensif, en défense centrale. On a aussi vu tout le bénéfice d’un Guessouma Fofana, passé par la France, au milieu, élu MVP contre la Syrie. La hiérarchie des gardiens a été bouleversée, Mbacké le N°3 est devenu N°2.
Vous vous apprêtez à retrouver un pays, le Cameroun, dont vous avez dirigé le plus grand club actuel, le Cotonsport de Garoua…. C’est vrai, mais j’ai vécu au Cameroun il y a longtemps ! Je reviens au Cameroun avec beaucoup d’émotion. On boucle la boucle comme on dit chez nous ! Au Coton, j’ai connu deux présidents supers. Cela a beaucoup changé aujourd’hui. De ce point de vue et par rapport à notre base sur place, la FFRIM a bien travaillé et on connait avec précision notre programme. Je tire mon chapeau à la FFRIM à ce sujet. Je suis persuadé que ce sera une très belle CAN avec un niveau sportivement élevé, y compris au niveau festif.
Parlez-nous un peu de cette adversité qui vous attend avec le Mali, la Tunisie et la Gambie… Les deux premiers nommés sont à mon avis deux outsiders solides pour la victoire finale. On connaît bien la Tunisie pour l’avoir souvent affronté et accroché (hors Coupe Arabe). La Tunisie a été impressionnante sur le plan du jeu lors de la Coupe arabe. Le Mali peut aller très loin, il est bien organisé et discipliné. Quant à la Gambie, elle progresse depuis l’arrivée du coach Saintfiet, elle possède une belle force offensive et est bien structurée défensivement. Elle a battu le Gabon en 2021. Ce sera notre premier adversaire, mercredi. Cela promet une forte opposition.
Un dernier mot sur votre encadrement technique… Il est composé de mes Karim Masmoudi – qui a travaillé avec Desabre à Pyramids (EGY) et qui est passé par Toulon – et Ahmed Sidibé, l’ancien international. J’ai aussi Djamel Dahmani pour les gardiens, un ancien de Marignane. A la prépa physique, Adel Zrane, mon fidèle préparateur connu lors de mon passage à Simba (Tanzanie), et un vidéo-analyste, Attaher Osman, qui a succédé à Romain Folz quand il s’est engagé au Botswana en club ».
Propos recueillis par @Frank Simon
Gomes Da Rosa (MRT) : « Etre une jolie surprise à la CAN »
Fayçal Chehat
Concepteur et fondateur de 2022mag en 2014, ce journaliste chevronné, également auteur d’ouvrages, couvre le football depuis plusieurs décennies, pour de nombreux supports, de La Lettre du Sport Africain à Foot Africa en passant par la BBC Afrique. Passionné par l’Algérie, il promène son regard sur le football arabe, du Qatar à la Mauritanie en passant par le Maroc. Il est le rédacteur en chef de 2022 depuis son lancement.
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