Nommé lundi soir à la tête du Real Madrid, Zidane, le plus célèbre joueur du monde arabe devient à 43 ans l’entraîneur de l’un des cinq plus grands clubs du monde. A partir d’aujourd’hui, retrouvez tout au long de cette semaine l’histoire de celui qui fit gagner la Coupe du monde à la France.Récit. Aujourd’hui, de l’arrivée à Cannes au ratage de l’Olympique de Marseille.
Cannes, la porte qui s’ouvre
À Cannes, l’on se rendit compte assez vite du potentiel exceptionnel de l’enfant de la Castellane. L’intelligence de Jean Varraud fut de ne pas chercher par exemple à surclasser Zinedine en raison de son talent naturel. Il ne voulait pas le mettre en danger sur le plan physique en le faisant jouer avec des plus âgés que lui. Zidane se piqua au jeu et montra une envie de bien faire, une volonté incroyable en faisant des heures d’entraînement supplémentaires, en restant tard le soir au stade pour suivre avec admiration l’entraînement des professionnels. L’AS Cannes était alors en Ligue 1. Mais c’était aussi le club français formateur par excellence. À force d’insistance de Jean Varraud, Jean Fernandez, le coach de l’AS Cannes, accepta de superviser le 20 mai 1989 ce gamin qui faisait l’admiration de tout le staff et du groupe de joueurs du centre de formation. Zidane a 16 ans. Fernandez, lui aussi, tombe sous le charme très vite et l’invite à se déplacer avec l’équipe professionnelle lors d’un match de championnat à Nantes. Zidane entre en jeu durant vingt minutes et éblouit l’assistance du stade de La Beaujoire. Dans l’équipe d’en face, il y avait des joueurs nommés…Marcel Desailly et Didier Deschamps !
Le Marseillais se souviendra longtemps de ce début avec les pros car il a pu s’offrir, avec la prime du match, un luxueux achat : un jeans de la marque Levi’s ! Quinze ans plus tard, l’heureux découvreur de celui qui devint une star mondiale a raconté comment il a mis la main sur le joyau : Je l’avais vu jouer dans un tournoi de moins de 13 ans à Cannes. Ce jour-là, ; un garçon se blesse et un gamin le remplace. C’était Zidane. Deux ans plus tard, je vais à Marseille pour assister à un autre tournoi et je revois le père du joueur qui s’était blessé. Il me dit : « Regardez, vous vous rappelez le gamin qui a remplacé mon fils, il y a deux ans ? Et bien, il joue avec nous à Septème ». À ce moment-là, le petit Zidane évoluait en tant qu’ailier gauche. Il n’était pas très grand, plutôt maigrichon, mais capable de réaliser des choses extraordinaires. Un vrai spectacle à lui tout seul( …) Je suis littéralement tombé amoureux de ce garçon… »
À Cannes, malgré sa jeunesse, Zidane va vivre de belles expériences, notamment une participation à la Coupe de l’UEFA, mais aussi le premier échec de sa carrière puisque l’AS Cannes est reléguée en Ligue 2 l’année (1991-92) même ou lui a participé à un maximum de matches. Avec Cannes, Zidane va disputé 31 matches au total. Son influence ira crescendo même s’il dut attendre près de deux ans après – le 8 février 1991- sa première apparition pour marquer son premier but, toujours contre le FC Nantes, à la Beaujoire. Zidane se souvint particulièrement de ce fait parce qu’il était lié à une anecdote savoureuse qu’il raconte toujours avec une vraie émotion : « Le président Alain Pedretti m’avait promis une voiture d’occasion pour le jour où je marquerais. Mais lorsque arriva le moment d’honorer le pari, quelle ne fut pas ma surprise de voir une Clio rouge flambant neuve ! C’est le genre de choses qui marque à vie. »
En fait le passage de Zidane à Cannes le marquera effectivement à vie. À tel point que lorsqu’en 2005 il s’est agi de faire un film sur le joueur du Real « Une équipe de rêve » qui vient de passer en première mondiale au Festival de Cannes, le champion du monde avait exigé du réalisateur de mentionner ces amis et coéquipiers cannois à l’image de Gilles Hampartzoumian, Fabrice Monachino ou David… Aucun d’eux n’a connu la moindre espèce de gloire, pourtant Zidane au sommet de la gloire et de la richesse ne les a pas oubliés. Il les avait tous invités au tournage, comme s’il ne les avait jamais quittés. Une sacrée leçon de fidélité, de modestie et d’amitié.

Véronique, l’amour d’une vie
Cannes ce n’est pas seulement le souvenir de son premier contrat professionnel, de son premier jeans Levi’s ou de sa première Clio, cannes c’est aussi la ville où il a rencontré son premier amour, l’amour de sa vie, Véronique Fernandez dont il a croisé le chemin alors qu’il était au centre de formation. C’est précisément au Foyer des jeunes de Provence que Véronique et Zinedine se rencontrèrent. Un des témoins de cette époque se souvient et raconte le début de l’idylle : « Ils n’ont que dix-huit ans, mais leur histoire est déjà longue. Pendant des mois, ils se sont croisé chaque jour au Foyer des jeunes de Provence. Là-bas, la discipline est plutôt stricte. Les filles ont leur chambre d’un côté, les garçons de l’autre. Seul le couloir est commun. Véronique et Zinedine s’y sont croisé des dizaines de fois. Quand leurs regards se rencontraient, il baissait les yeux. De la vie, il n’a connu jusque-là que les jeux de gosses de la Cité de la Castellane à Marseille, entre des murs de béton écrasés par le soleil. Puis il est arrivé ici à seize ans pour devenir joueur professionnel, loin de sa famille, de ses parents. Ses copains sortent, font la fête. Lui ne pense qu’à l’entraînement et à se reposer pour récupérer. Enfin un jour, alors qu’elle arrive à sa hauteur, Véronique laisse échapper un « Bonjour » que lui seul peut entendre. Il lui répond la fois suivante. Du coup, ils bavardent quelques instants. Le temps pour lui d’apprendre qu’elle étudie la danse, que son rêve est d’enseigner cet art à son tour.Tout va plus vite ensuite dans leur vie. Quelques semaines plus tard, il s’installe dans un petit studio. Elle peut venir l’y rejoindre le plus souvent possible. Ils remplissent le frigidaire, décorent l’endroit au goût de Véronique. Ils se sentent enfin chez eux…. » Aujourd’hui, le couple Zidane est presque un modèle : vingt trois ans de vie commune et quatre enfants : Enzo, Lucas, Théo et Elyaz.
Rencontrée en 1990 et épousée à Bordeaux le 28 mai 1994, Véronique semble apporter a Zinedine l’apaisement dont il a besoin dans un monde professionnel où le stress et la pression peuvent être parfois d’une incroyable violence. Ceux qui les connaissent bien affirment qu’elle a été pour beaucoup dans ses choix professionnels et dans la stabilité dont il a fait preuve, puisqu’il n’a connu finalement que quatre clubs en 17 ans de carrière (Cannes, Bordeaux, Juventus et Real Madrid). Véronique est pour beaucoup dans le choix de Madrid et de l’Espagne. D ‘origine espagnole, Madrid était l’option logique. La preuve, le couple ne compte pas quitter la capitale ibérique maintenant que la carrière de Zizou est terminée. C’était un choix de vie qui finalement a dû convenir au capitaine de l’équipe de France. Contrairement aux autres femmes de stars, Véronique reste à sa place, dans l’ombre de son champion de mari. Presque un clin d’œil aux traditions méditerranéennes de l’un et de l’autre.
Marseille passe au travers
Des années plus tard, alors que Zidane était devenu une star planétaire, nombre d’observateurs continuaient de se demander comment ce Marseille pure souche, enfant des quartiers Nord, n’a jamais joué à l’Olympique de Marseille. En dehors des histoires de destin, il y avait sans doute une politique de prospection défaillante de la part du grand club provençal. Revient alors en mémoire l’aveu consterné et consternant de Malika Zidane, sa mère, fait à Jean Varraud en1987 lorsqu’il est venu le superviser à Septème : « Monsieur Varraud, vous vous rendez compte ! Personne n’en veut. Je lui ai fait faire des stages payants et personne ne le prend ! » Incroyable ratage ! Et lorsqu’en 1992, après la descente de Cannes en Ligue 2, l’Olympique de Marseille se manifesta bien timidement (l’OM souhaitait un simple prêt) sous les auspices de Bernard Tapie, c’est Bordeaux qui l’emporta. Zidane lui-même s’est expliqué à sujet. Il a refusé, en même temps que sa famille, la main tendue de l’OM : » J’adore Marseille, déclara t-il bien des années plus tard, et je l’aurais toujours dans mon cœur ( ce qu’il démontra assez souvent par la suite), mais je connaissais trop de monde là-bas pour pouvoir me concentrer exclusivement sur le foot, c’est pourquoi j’ai préféré m’installer en Gironde… » Déjà, à cette époque, l’homme savait ce qu’il voulait et montrait les premières esquisses d’une carrière remarquablement gérée. De l’AS Cannes au Real Madrid, pas l’ombre d’ une seule erreur de parcours. Pourtant, c’est Marseille qui le premier fit rêver le petit Zidane. En vérité, gamin, l’enfant de la Castellane rêvait de fouler la pelouse du stade Vélodrome et vouait une admiration particulière et démesurée à l’artiste uruguayen qui éclairait le jeu de l’OM après avoir éclairé celui du Matra Racing de Paris, Enzo Francescoli. Lorsqu’il eut l’âge d’aller au stade avec ses copains de quartier, il se délectait du jeu du Sud Américain. Une admiration qui ne se démentit jamais puisqu’il à la suite d’une finale intercontinentale, disputée le 26 novembre 1996 à Tokyo, avec son club de la Juventus de Turin face à River Plate, il alla modestement demander le maillot à Enzo à la fin du match. Autre signe de cette passion, Zidane prénomma son premier enfant, Enzo.
@fayçalChehat
Vendredi: Bordeaux, l’envol d’une carrière